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Paul
BOWLES 1910-1999
Paul Bowles est
mort le 18 Novembre 1999, à Tanger. C'était une des
plus grandes figures de la ville, un des derniers témoins de
l'époque internationale qu'il a incarné à sa
manière, distante et lucide.
Il est né en 1910 à New York. Après des études
à l'Université de Virginie, il se rendit à Paris
en 1929. Gertrude Stein lui conseilla d'aller à Tanger. Il
a décrit son état d'esprit de l'époque dans son
autobiographie (Mémoires d'un nomade) :
"Comme
tout romantique, j'étais plus ou moins certain qu'un jour, je
trouverais un endroit magique qui, en me dévoilant ses secrets,
me donnerait la sagesse et l'extase, voire la mort."
Il arriva à
Tanger en 1931, par bus et non pas par la mer ! Voici comment il perçut
la ville à son arrivée:
"Si
je dis que Tanger me frappa comme étant une ville de rêve,
il faut prendre l'expression dans son sens littéral. Sa topographie
était riche de scènes typiquement oniriques : des rues
couvertes semblables à des couloirs avec, de chaque côté,
des portes ouvrant sur des pièces, des terrasses cachées
dominant la mer, des rues qui n'étaient que des escaliers, des
impasses sombres, des petites places aménagées dans des
endroits pentus, si bien qu'on aurait dit les décors d'un ballet
dessinés au mépris des lois de la perspective, avec des
ruelles partant dans toutes les directions. On y trouvait aussi des
tunnels, des remparts, des ruines, des donjons et des falaises, autant
de lieux classiques de l'univers onirique."
On comprend mieux
pourquoi les anglo-saxons apellent Tanger "The Dream City". Bowles
retourna à Tanger l'année suivante mais, repartit aux
Etats-Unis ensuite. Il se maria avec Jane Auer en 1937. Son retour
définitif à Tanger eut lieu en 1947 à la suite
d'un rêve :
"Par
une belle fin d'après-midi, je me promenais lentement dans un
réseau complexe de galeries. Allongé dans mon lit, je
passais en revue ce que j'avais vu en rêve, désolé
d'avoir quitté cet endroit merveilleux en m'éveillant
quand soudain, je compris avec stupeur que cette ville magique existait
vraiment. C'était Tanger."
Après des
débuts réussis comme compositeur, Bowles se tourna vers
l'écriture laissant une oeuvre originale, empreinte d'une vision
noire de l'humanité associée à un style froid
et détaché. Aujourd'hui, certaines de ses oeuvres figurent
au programme du Concours du Professorat d'Anglais (CAPES et Agrégation),
en France. L'oeuvre littéraire de Bowles s'inspire souvent
du même thème : des Occidentaux essayant de fuir l'ennui
de leur vies en se réfugiant dans un Orient (ou un Sud) qui
ne les satisfait pas et qu'ils trouvent même effrayant.
Bien qu'ayant "parrainé" les auteurs de la "Beat Generation",
Bowles n'en fit jamais partie.
En plus de son oeuvre littéraire et musicale, Paul Bowles nous
laisse un travail de pionnier sur la musique traditionnelle marocaine
qu'il alla enregistrer avec son magnétophone en 1959, bien
avant la mode de la "World Music". Ces enregistrements, conservés
par la Bibliothèque du Congrès américain devraient
être réédités.
Au cinéma, en plus de sa participation au film "Senso" de Lucchino
Visconti, il fait une apparition dans le rôle du narrateur dans
l'adaptation de "Un thé au Sahara" de Bernardo Bertolucci.
Sur la fin de sa vie, Bowles devint un sujet "touristique", lui qui
se définissait comme un voyageur et non comme un touriste.
Dans son autobiographie, il disait :
"Aujourd'hui
encore (ndw 1972), (...) l'image de Tanger reste à peu près
inchangée. Les gens y viennent toujours en rêvant de se
plonger dans l'atmosphère faite d'excès et de prodigalité
qui régnait ici dans les années quarante; parfois, ils
prétendent même que le rêve est devenu réalité."
Roberta Bosca
lui a demandé en 1994 de décrire le Tanger qu'il
aime :
"...
Regarder Tanger de loin est une bonne façon de l'embellir et
effacer ses défauts. Il y a des années, dès qu'on
débarquait à Tanger, on se sentait littéralement
hypnotisé par l'intense luminosité. Une lumière
toujours en mouvement, chaude et douce quand soufflent les vents du
désert, dure et mélancolique quand elle est soumise à
l'influence de l'océan. L'hypnose disparue, chacun était
rapidement pris par l'ivresse de la liberté. Une liberté
qui se transformait en prison pour ceux qui ne savaient pas résister
à l'appel du Kif, le haschich de l'Atlas.
Lorsque je suis arrivé à Tanger, il y a soixante ans,
on se déplaçait à dos d'âne; deux fois par
semaine, les chameaux amenaient le ravitaillement de bois et de charbon
pour la médina. A l'arrivée des chameaux, le jeudi et
le dimanche, on faisait la fête. La joie et l'insouciance naissaient
spontanément sur la place du Grand Souk. Un lieu qui par ses
couleurs, ses musiciens et ses saltimbanques, ressemblait à la
place Djema El Fna de Marrakech.
(...) Désormais, il y a des années que je ne vais plus
à la médina et je n'y ai jamais vécu, trop de monde
et de saleté. Je retourne par contre au café Hafa. C'est
sur sa terrasse que je continue à rêver. Le temps a tout
transformé sauf cet endroit. Secret et silencieux, le café
Hafa est resté comme autrefois, magique. Génération
après génération, c'est là que se retrouvent
les joueurs d'échec, les poètes, les écrivains,
les artistes. Et, installés sur les vieilles nattes de paille,
ils s'abandonnent encore aux douces illusions du Kif." (in
"La ville des mille et une lumières". (in: Ailleurs,
avril 1994 ; n°1 ; pages 96 à 117).
Paul Bowles a su découvrir Tanger, explorer ses richesses et
l'aimer intimement. Aujourd'hui, ils nous a quittés. Son nom
restera associé à Tanger.
Oussama
Zekri
Bibliographie
- The Sheltering
Sky, 1949 (F : Un thé au Sahara, 1952, 1987)
- The Delicate
Prey, 1950 (GB : A Little Stone)
- Let It
Come Down, 1952 (F: Après toi, le déluge, 1988)
- The Spider's
House, 1955 (F: La maison de l'araignée, 1995)
- Their
heads Are Green And Their Hands Are Blue, 1963 (F: Leurs mains
sont bleues, 1995)
- A life
Full Of Holes, 1964 (F: Une vie pleine de trous) traduction
du récit de Driss Ben Ahmad Charhadi
- Pages
From Cold Point and Other Stories, 1968
- Scenes,
1968
- M'Hashish,
1969 traduction du récit de Mohammed Mrabet
- Up Above
The World, (F: La jungle rouge, 1997)
- Plain
Plesaures, (F: Plaisirs paisibles)
- Without
Stopping, 1972 (F: Mémoires d'un nomade, 1989, 1999)
Autobiographie
- For Bread
Alone, 1973 (F: Le pain nu) traduction du récit de
Mohammed Choukri
- The Boy
Who Set The Fire, 1974 traduction du récit de Mohammed
Mrabet
- Harmless
Poisons, 1976 traduction du récit de Mohammed Mrabet
- Blameless
Sins, 1976 traduction du récit de Mohammed Mrabet
- Collected
Stories, 1979
- The Beach
Café, 1980 traduction du récit de Mohammed Mrabet
- The Voice,
1980 traduction du récit de Mohammed Mrabet
Editions françaises
dont je n'ai pas trouvé les correspondantes américaines:
- Des airs du temps, 1986
- L'écho, 1998
- Un thé sur la montagne, 1989
- Journal Tangérois 1987-1989, 1989
- In absentia, 1993
- Paroles malvenues, 1995
- Réveillon à Tanger
- Le scorpion, 1998
- L'éducation de Malika
- La boucle du Niger
LIENS
INTERESSANTS
The
Authorized Paul Bowles Web Site
Ce
site, administré par Kenneth Lisenbee, a été
créé à l'initiative d'amis et d'exécuteurs
testamentaires de Paul Bowles. Indispensable à ceux
qui veulent des informations sérieuses et validées
concernant l'auteur.
The
Paul Bowles Moroccan Music Collection
Catalogue
de la bibliothèque du Congrès américain
des enregistrements de musique traditionnelle marocaine faits
par P. Bowles entre 1960 et 1962.
Paul
Bowles. L'écriture nomade.
Excellent page personnelle sur Paul Bowles. Brigitte Collet
a établi une page très complète : biographie,
bibliographie, extraits de romans, des liens (pas toujours
à jour).
Paul
Bowles, 1910-1999.
Annotations d'Yvon Allard et Patrick Coppens
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