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Mohamed
CHOUKRI
1935-2003

Samedi
15 novembre 2003, Mohamed Choukri a sucombé au cancer, à
l'hôpital militaire de Rabat. Il a été inhumé
au cimetière Marshan à Tanger lundi 17 novembre.
Cet homme né en 1935 dans le Rif et survivant d'une enfance
terrible est devenu par la seule force de sa volonté un écrivain.
"Quand je suis arrivé, il y avait
deux Tanger : le Tanger colonialiste et international et le Tanger
arabe, fait de misère et d'ignorance. A l'époque,
pour manger, je faisais les poubelles. Celles des Européens
de préférence, car elles étaient plus riches."
En 1942, la famine chasse la famille Choukri du Rif vers Tanger.
Le petit Mohamed âgé de 7 ans, apprend à survivre
dans la rue tangéroise en exerçant divers petits métiers.
Analphabète, il s'inscrit à l'école à
21 ans. Il poursuit ses études jusqu'à devenir instituteur.
Il commence à publier en 1966.
En 1973, "Le pain nu" est publié aux Etats-Unis
grâce à Paul Bowles. Ce roman autobiographique sans
concessions ni pour lui-même ni pour la société
tangéroise déclenche une levée de boucliers
considérable au Maroc. "Le pain nu" connaît
un énorme succès international après sa traduction
en plus de trente langues. Le livre est interdit au Maroc jusqu'en
2000. Il expliquait lui-même que ce qui lui valut une censure
de 27 ans ce fut tout simplement la critique du père. "Le
père est sacré dans la société arabo-musulmane",
affirmait-il.
"Le pain nu" devient le livre emblématique de Mohamed
Choukri. Son attachement à Tanger est profond et sincère.
Sa production littéraire est ancrée dans cette ville.
Il regrettait que Tanger n'ait pas eu un véritable écrivain
tangérois à l'exemple d'un Pagnol pour Marseille,
d'un Mahfouz pour Le Caire ou d'un Dos Passos pour New York... Il
n'avait alors pas vu ou voulu voir qu'il était "l'écrivain
de Tanger".
Il a fréquenté un grand nombre d'écrivains
comme Bowles, Genêt et Tennessee Williams. Son amitié
envers certains d'entre-eux n'a jamais obscurci son jugement. Il
a dit et répété que beaucoup d' écrivains
étrangers venus à Tanger à l'époque
internationale le firent pour le sexe et la drogue. Choukri était
d'une franchise absolue, jusqu'à en devenir blessant.
Avant de mourir, Choukri créa la Fondation Mohamed Choukri
à laquelle il a légué tous ses droits d'auteurs,
ses manuscrits et ses papiers personnels. La présidence de
la Fondation a été dévolue à M. Mohamed
Achaâri.
Il pourvut aussi au bien-être de celle qui a passé
22 années à le servir dans son appartement tangérois,
Fathia. Il lui fit bénéficier d'une pension à
vie.
L'écrivain de Tanger qu'il fut et qu'il restera à
jamais dans nos mémoires est tout entier dans cette phrase
:
"Je ne sais pas écrire sur le
lait des oiseaux, la délicate étreinte de la beauté
angélique, les grappes de rosée, la cascade des lions,
les lourdes mamelles des femelles. Je ne sais pas écrire
avec un pinceau de cristal. Pour moi, l'écriture est une
protestation, pas une parade."
L'oeuvre exigeante de Choukri restera une mise en garde constante
contre le conformisme de la pensée et la tiédeur de
l'expression.
Qu'il repose en paix. Puisse Tanger ne pas l'oublier...
Le Pain nu.
Récit autobiographique Arabe traduit. en anglais par Paul
Bowles et en français par Tahar Ben Jelloun. Interdit au
Maroc jusqu'en 2000.
Maspéro, Paris, 1980. 157 p. Coll. Actes et mémoires
du peuple.
Le Seuil, 1981.
Le Temps des erreurs.
Le Seuil, 1992, 1994.
Jean Genet et Tennessee Williams à Tanger
Quai Voltaire, 1992.
Jean Genet à Tanger
Editions Didier Devillez,1993, 1996.
Zoco Chico
Editions Didier Devillez, 1996.
Paul Bowles, le reclus de Tanger
Quai Voltaire, 1997.
Le Fou des roses
La Découverte, 1999.
La Tente
1985.
SUR INTERNET
Bibliomonde
: Fiche tres complète.
Babelmed
: Trois articles sur l'écrivain tangérois.
Limag
: Une base de données datant de 1999.
Encarta
: Article de l'encyclopédie de Microsoft.
Maroc-Hebdo
: Article de l'hebdomadaire marocain.
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