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LOIN
Réalisateur
: André Téchiné
2001 (français)
Avec Stéphane Rideau, Lubna Azabal,
Mohamed Hamaïdi, Yasmina Reza, Gaël Morel.
REVUE DE PRESSE
Télérama
(n° 2694 - 29 août 2001, pages 32-33).
Louis Guichard :" Cest la première fois depuis Les
Soeurs Brontë, en 1979, que vous réalisez un film entièrement à
l'étranger. Pourquoi Tanger ?"
André Téchiné : "J'ai eu l'occasion, au fil des années,
d'y faire de brefs séjours, et j'étais fasciné par ce village cosmopolite
qui est à la fois l'Orient de l'Occident et l'Occident de l'Orient.
C'est un site très hétérogène, et c'est d'autant plus frappant que
c'est petit. La campagne, la montagne, la ville et la mer s'y juxtaposent
sans solution de continuité. Il en va de même pour les communautés
qui y vivent et les langues qu'on y parle : l'anglais, l'espagnol,
le marocain et le français. Tout cela crée un climat de circulation,
de mouvement et de mystère qui permet de faire s'y croiser toutes
sortes de gens ... Tanger me semblait donc être une ville de rêve
pour le cinéma. Peut-être ai-je fait ce film pour aller vérifier
la consistance de mon rêve, pour voir si je ne me trompais pas."
CinéLibre
(27/08/2001)
Maureen Loiret : "Comment est né le scénario de
Loin ?"
André Téchiné : "Le projet a plusieurs origines. Mon
intention au départ était d'adapter le roman de l'auteur marocain
Mrabet, un récit oral dans la tradition de Paul Bowles. Très vite
je me suis rendu compte que le Tanger d'aujourd'hui n'avait rien
à voir avec celui du roman. Je tenais à décrire ma fascination
pour la ville actuelle grâce au témoignage d'un partenaire marocain,
Faouzi Bensaïdi. Enfin Michel Alexandre a contribué à la part
policière de l'intrigue qui m'était indispensable pour ancrer
le personnage de Serge dans la réalité.
Maureen Loiret : "Qu'est-ce qui vous a fasciné
dans la ville de Tanger ?"
André Téchiné : "Tanger est un espace où règne une
circulation infinie. Or la circulation est l'un des sujets de
Loin."
Alain RIOU. Nouvel Observateur - N°1921
"A l'origine, dit Téchiné, je voulais montrer les actes
des clandestins : tous ces jeunes gens qui décident un jour de
quitter un avenir de misère et qui, le temps d'un voyage, doivent
devenir littéralement des courants d'air. Il fallait qu'on les
voie se glisser sous le châssis des semi-remorques, s'insinuer
comme des reptiles jusqu'à se rendre invisibles. C'est autour
de cette image que s'est organisé peu à peu le reste du film.
J'ai estimé devoir montrer l'hésitation des jeunes Tangérois partagés
entre le désir de partir et celui de construire quelque chose
en Afrique (certains ont le choix). L'ascension des femmes, aussi,
parce qu'il est flagrant que les femmes, au Maroc, semblent prendre
plus vivement leur destin en main que les hommes. On devait aussi
retrouver ce passé littéraire et cosmopolite de Tanger, dont Burroughs
ou Bowles ont fait la légende et dont le fantôme apparaît dans
le personnage d'un ancien riche anglais. Et je voulais surtout
un personnage principal qui tente de voir clair dans son noyau
d'obscurité, un type jeune et un peu étranger à lui-même. En fait,
c'est un garçon qui a toujours cherché à être quelqu'un d'autre,
sans tout à fait s'en rendre compte ; enfin, à mon avis... "
Charles Tesson. Les Cahiers du Cinéma, n°560.
Dans Loin, la richesse documentaire sur la ville de Tanger, ses
quartiers, sa population, renforce le plan de consistance des
personnages, sculpte et trame leur ligne de fuite intérieure dans
leurs relations aux autres et aux lieux. Généreux, hospitalier,
le film l'est, sur un mode renoirien, tout en offrant davantage.
"On découvre le contenu d'un film au fur et à mesure qu'on le
tourne", disait Jean Renoir. Plus Téchiné filme Tanger et se laisse
happer par elle, et plus la nature de la ville, dans sa texture
diversifiée, renvoie des ondes qui vibrent avec celles des personnages.
La ville ressemble à un gigantesque espace de transit qui regroupe
une communauté provisoire de corps nomades, de cultures et d'origines
différentes (Juifs, Arabes, Français, Américains, Nigériens),
qui circule à l'échelle des principaux personnages et se propage
à toute la réalité embrassée par le film.
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