No
womens land
Si
être féministe cest défendre lextension
du droit des femmes, alors je le suis mais je nen tire
aucune gloire parce quon ne ma pas laissé
le choix. Comment aurais-je pu faire autrement ? Très
tôt, je me suis rendu à lévidence
: à quoi bon défendre les droits de lhomme
dans une société où lhomme a tous
les droits ? Reste les femmes. Et cest ainsi quen
procédant par élimination, je suis tout naturellement
devenu féministe, et du même coup une cible de
choix pour les plus obscurantistes des obscurantistes, je
veux dire les illuminés.
Les photons ont de quoi y perdre leur arabe. On la sans
doute remarqué, lessor du féminisme est
inversement proportionnel au taux danalphabétisme,
et cest ce qui explique la place peu enviable occupée
par la femme dans notre pays où le gouffre de lignorance
atteint des sommets vertigineux. La misogynie ambiante serait
alors le point dintersection de lalpinisme et
de la spéléologie, le meilleur exemple étant
lArabie saoudite dont la richesse naturelle du sous-sol
na dégal que la misère culturelle
du rez-de-chaussée.
Faut-il le rappeler, ce qui frappe le plus chez une femme,
cest le mari, aussi je me réjouis de voir les
terrasses de nos cafés occupées presque en exclusivité
par les hommes, car aussi longtemps quils restent attablés
dans ces no womens land, leurs épouses sont souveraines
dans leur espace domestique. Jen déduis que plus
il y aura de cafés, plus les femmes seront libres,
et plus sûrement sera engagée la marche vers
la révolution féministe.
Mais je nirai pas jusquà souhaiter la prise
du pouvoir par les femmes, ce serait la porte ouverte à
une dictature des belles-mères sur les brus, et des
bâchées sur les décapotables. Tant que
lissue des élections sera perçue comme
la domination dune majorité écrasante
sur une minorité écrasée, il serait plus
prudent de renvoyer la démocratie à des jours
meilleurs.
Moi féministe ? certainement, tout en restant modérément
extrémiste car lhistoire nous enseigne que cest
quand elle échoue quune révolution laisse
de bons souvenirs. Cest pourquoi jopte résolument
pour le réformisme. Un exemple suffit. Les barbus des
deux sexes nous répètent à satiété
que : primo, la femme est légale de lhomme
; secundo, la polygamie est un droit pour lhomme.
Soit. Quavons-nous besoin de singer lOccident
impie ? Plutôt que de tirer cette parité vers
le bas en interdisant à lhomme ce droit et en
le contraignant à népouser quune
seule femme (je suis contre les interdictions et les contraintes
quel que soit le sexe, javais oublié de le signaler),
pourquoi ne pas accorder à la femme le droit davoir
plusieurs maris ? quatre, pas plus, nexagérons
rien. On mobjectera : et la paternité ? aucun
problème, il suffirait dincorporer dans le livret
de famille lADN de chacun des maris, et le tour est
joué. Du coup les enfants disposeront à demeure
de quatre baby-sitters et les femmes pourront travailler et
gagner leur autonomie financière. Gageons que les plus
douées en affaires se feront des ovaires en or. Les
terrasses de cafés seront envahies de femmes qui reluqueront
la croupe des passants effarouchés.
Soyons équitables, ce nest pas parce que lhomme
dispose dun passe-partout prêt à ouvrir
en toute légalité quatre serrures quil
doit faire son méat culpa. Quil dispose à
sa guise de quatre poules, grand bien lui fasse, mais quon
nexige pas de la femme dêtre monocoq à
voile au risque de naviguer dans liniquité de
Tanger à Lagouira.
(2
février 2005).