Lotfi AKALAY

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Lotfi AKALAY


Lendemains d'élections américaines



Bon, la cause est entendue : Barak Obama superstar est devenu le quarante quatrième président des États Unis. Soit. Sa victoire est unanimement saluée sur les deux hémisphères. Soit encore. Ce qui me gêne aux entournures, c'est que je me méfie comme de la peste de tout ce qui est unanime.

Je commence par le candidat malheureux, John McCain. Aurait-il pu l'emporter sans sa fossoyeuse Sarah Palin ? S'il avait choisi comme colistière Condoleezza Rice, ses chances d'être élu auraient été décuplées. D'abord parce qu'elle connaît comme personne les affaires étrangères. Ensuite parce qu'elle est femme, ce qui lui aurait attiré la sympathie d'un nombre considérable parmi les supporters féministes qui ne se remettent pas de l'éviction de Hillary Clinton. De plus, avec Condoleezza pour prénom, elle aurait recueilli les suffrages des Latinos. On m'objectera : « Eh ! Elle n'a pas une seule goutte de sang latin dans les veines, et pas même dans les artères ! » C'est vrai, mais les hispaniques s'en seraient contenté, mieux vaut une vice- présidente dotée d'un prénom fleurant bon l'Adriatique que n'importe quel autre parfum germano-anglo-saxon. Et puis, il faut souligner que ce prénom que lui ont donné ses parents est formé à partir de l'expression italienne "con dolcezza", "avec douceur", utilisée dans les partitions de musique. Voilà qui n'aurait pas déplu, accessoirement - mais l'accessoire est capital dans les joutes électorales - aux mélomanes abonnés au MET, aux amateurs de bel canto et d'opéra, et donc à la colonie italienne. Tous ces mangeurs de risotto se seraient précipités dans les bureaux de vote pour lui apporter leur soutien. A propos de risotto, les Asiatiques n'auraient pas manqué de relever que Rice, cantonnais ou basmati, n'est pas un nom donné au premier venu, c'est pourquoi ils auraient allongé la file des électeurs féministes et latinos. Et les Arabes américains ? Aucun d'eux n'oublie comment Condoleezza Rice a morigéné l'Egyptien Housni Moubarak, lors d'un discours où elle critiqua sévèrement le raïs pour n'avoir pas introduit le pluripartisme dans l'élection présidentielle, qu'elle avait appelé de ses vœux des élections « libres, équitables et transparentes », « l'état de droit à la place des décrets d'urgence », « un système judiciaire indépendant, et non une justice arbitraire », ainsi que « la protection des militants pacifiques de la démocratie ». À cette occasion, elle regrettait que « pendant soixante ans, les États-Unis ont recherché la stabilité aux dépens de la démocratie au Proche-Orient et n'ont accompli ni l'une ni l'autre ». Comme les Américains arabes sont majoritairement hostiles aux régimes de leurs pays d'origine, ils auraient eu toutes les raisons d'aller rejoindre les Latinos, les Noirs et les Asiatiques, et de s'efforcer de faire la queue pour une fois.

Voilà pour la cerise. J'en arrive au gâteau : la couleur de sa peau. Les électeurs démocrates avaient hésité entre un Noir et une femme, mais ne voilà-t-il pas que le sénateur de l'Arizona pouvait saisir l'aubaine de leur servir les deux pour le prix d'un ? Faites le compte : Latinos + Asiatiques + femmes + Arabes + Noirs. McCain aurait raflé la moitié des suffrages au bas mot contre Obama. Le reste serait venu de tous les réacs républicains, tous ceux qui combattent l'avortement, sauf, peut-être, si le fœtus est homo. Les USA auraient eu pour vice présidente une descendante d'esclaves pur jus, du jamais vu à Washington puisque Colin Powel est d'origine jamaïcaine, et Obama est né d'un père kényan.

Venons-en au président élu qui a cassé la baraque. Tout au long de la campagne, on l'a accusé d'être musulman, comme son père. Vous avez bien lu : accusé ! « Non ! Se défend-il, je suis chrétien jusqu'aux bouts des ongles ! ». Seulement voilà, il y a ce « Hussein » qu'il traîne comme un boulet. Les musulmans devraient être fiers qu'un de leurs coreligionnaires s'installe à la Maison blanche, surtout les chiites, Hussein étant le prénom du second fils de Fatima et Ali.

C'est oublier qu'Obama est un apostat ! Quand on sait ce que beaucoup de musulmans pensent de l'apostasie, il est permis de se demander quel accueil lui sera réservé s'il se rend en visite officielle au Caire, à Ryad et même à Rabat.

Si j'ai un conseil à lui donner en cas de pépin, c'est d'aller se réfugier à Tanger, la seule ville dans le monde musulman qui a baptisé une rue du nom d'un apostat déclaré : la rue Hassan Ibn Wazzane. Au temps du statut international de la cité du détroit, cette rue s'appelait Léon l'Africain. Après l'indépendance, quand les analphabètes prirent le pouvoir municipal, ils décidèrent d'effacer la mémoire de la cité en commençant par les noms de rue. Léon l'Africain ? Qui est cet énergumène, ce roumi ? Ils s'adressèrent au lettré de service, un pilier de mosquée, qui leur apprit qu'il s'agit d'un converti au christianisme dont le premier nom musulman était Hassan Ibn Wazzane. Dont acte immédiat. Et ce n'est pas tout ! Cette rue est adjacente à une impasse, la rue Ali Bey. Ali ? Bey de surcroît ? Pas touche ! Et voilà comment une de nos rues porte le nom, ou plutôt le surnom d'un espion à la solde des colonialistes, qu'il n'était en réalité ni marocain ni musulman. Bravo la municipalité ! Bravo le pilier !

Barack Obama pourrait donner son nom à une de nos grandes avenues, et même à un quartier tout entier. Car nous avons le quartier dit Saddam, c'est le nom que la brave populace lui a conféré pour le remercier d'avoir occis des centaines de milliers d'Irakiens qui ne sont plus là pour protester. Les autorités de la ville sont bien embarrassées par cette appellation, mais ils n'osent ni modifier ce nom ni le reconnaître. Que faire ? Simple comme bonjour : on baptiserait le plus officiellement du monde « Hussein » ce vaste lieu d'habitat précaire et tout le monde y trouverait son compte : les miséreux qui y habitent, car après tout, c'est le nom de leur idole, et non plus seulement le prénom ; les autorités qui auraient, par un ingénieux tour de passe- passe, remplacer le prénom d'un dictateur sanguinaire par celui du petit fils du Prophète, ou, si l'on préfère, par le défunt roi de Jordanie, on a le choix. Et Obama dans tout ça ? Eh bien il aurait un quartier à son second prénom, lui l'apostat !

Oui, je rêve, I have a dream, pour reprendre la litanie de Martin Luther King à qui Barack Obama est comparé, lui qui a déclaré que Jérusalem est la capital d'Israël. Il est vrai qu'il a de qui tenir, lui, le Noir pasteurisé.

A-t-on oublié que Martin Luther King, cet apôtre de la paix et de la non violence, ce défenseur du faible et de l’opprimé s’était réjoui bruyamment et sans retenue de la défaite arabe de juin 1967 dont le peuple palestinien n’a pas fini de payer le prix ?

On a aussi comparé Obama à Kennedy, ce bellâtre dont seul l'assassinat a permis de préserver la postérité, oblitérant sa tentative de provoquer une catastrophe nucléaire dans la « crise des missiles ». Reste à espérer que le nouveau président évitera ces travers criminels, qu'il ne jettera pas le monde au bord du gouffre, qu'il se consacrera surtout à laver son pays de sa mauvaise réputation en faisant le grand ménage à la Maison blanche, qu'il soit dit qu'un président noir a blanchi la maison blanche.

PS : petit bémol : Obama a refusé de répondre au message de félicitations que lui a adressé le président iranien. Sera-ce sa première boulette ?

Novembre 2008.