Lotfi AKALAY

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Lotfi AKALAY


L'interview


- Bonjour M. l'obscurantiste, pouvez-vous m'accorder une interview ?
- Ah non ! Pas à un incroyant de votre acabit.
- Mais je ne suis qu'un pauvre laïc. Et discret avec ça. Vous savez bien que dans ce pays, le laïc doit faire le mort pour ne pas l'être.
- Taratata ! Laïc, infidèle, athée, mécréant, impie, païen, c'est du pareil au même, vous finirez tous dans les poubelles de la ville.
- Impossible, nos poubelles sont pleines à ras-bord, on ne peut plus rien y jeter.
- Pas même les laïcs ? C'est bien triste… Bon, finissons-en, c'est pas tout ça, j'ai d'autres chattes à fouetter.
- Question : qu'avez-vous contre le genre féminin ?
- Moi ? Rien. La femme, c'est la moitié du ciel. J'ai lu ça dans Femelles du Maroc, un mensuel pour femmes délurées.
- Ah ! Je suis content de vous l'entendre dire, vous faites des progrès.
- Oui, mais l'homme, c'est le ciel tout entier. Comme pour l'héritage. Hi hi.
- Vous avez pris du retard, il y a un nouveau code de la famille à présent.
- Dommage, j'aimais bien l'ancien, il était généreusement saupoudré de testostérone.
- Décidément, on n'est d'accord sur rien.
- Je ne vous le fais pas dire, entre votre vision du monde et la mienne il y a une distance astronomique.
- C'est ce qu'on appelle en cosmologie les années-ténèbres. Que pensez-vous de la situation en Irak ?
- Le vaillant peuple irakien résiste héroïquement à l'occupation américaine dans le noble objectif de rendre à la nation sa souveraineté et sa dignité.
- Vous maniez la langue de bois avec brio, pas de risque de déforestation avec vous.
- C'est mon côté écolo.
- Et ces scènes filmées d'otages à qui on tranche la gorge, ça ne vous révulse pas ?
- C'est pas pire que la chambre à gaz, la seringue de sulfate de potassium ou la chaise électrique. Exécution pour exécution, tant qu'à faire, je préfère la méthode bio.
- Convenez tout de même que Bush a mis hors d'état de nuire un dictateur sanguinaire, un serial killer.
- Exact, mais à la place d'un tueur en série, il se retrouve avec une série de tueurs. Pas très malin de sa part…
- On murmure qu'il y a des négociations en sous-main avec l'aile modérément intolérante de la résistance armée. Selon vous, ces discussions ont-elles une chance d'aboutir ?
- Aboutir ? Ça n'effleure pas mon esprit ! Je ne crois pas aux conciliabules à cimeterres mouchetés. Peine perdue, c'est le peuple qui aura le dernier mot.
- Ou le dernier soupir au train où ça va.
- Ce n'est pas grave, l'essentiel, c'est de bouter l'étranger hors du pays, et de laver son linge rouge en famille.
- Avez-vous jubilé à l'annonce des résultats des élections en Iran ?
- Et comment ! J'ai retroussé mon kamis jusqu'aux genoux, et dansé la polka… euh, pardon, je voulais dire la bourka.
- Quel sera le programme du nouveau président élu ?
- Je piaffe d'impatience de voir cet intégriste pur-sang ruer dans les brancards. Vous verrez, gare aux femmes presque à poil qui déambulent sans
vergogne dans les rues de Téhéran. Bientôt tout sera voilé.
- Sauf les menaces.
- N'exagérons rien, elles le seront à peine.
- Brrr, ça donne froid dans le dos, on se croirait sur un iceberg.
- Ah non ! Pas ça ! Je déteste les icebergs !
- Vous m'en direz tant ! Que vous ont fait les icebergs ?
- Ils ont une partie visible, c'est indécent.
- Venons-en au Maroc. Il y a peu, une délégation du PJD de Turquie a été reçue par le PJD du Maroc. De quoi ont-ils parlé ?
- Qu'est-ce que j'en sais, je ne suis pas dans le secret des dieux !
- Tiens donc, vous faites dans le polythéisme ?
- Arrêtez vos questions, je vous avais dit qu'il n'y aura pas d'interview.
- J'ai presque terminé. Ces politiciens dont vous êtes le compagnon de piste disent qu'un jour, ils ramasseront le pouvoir par la voie des élections, et qu'ils ont tout leur temps. Le grand Asr, je veux dire la victoire, c'est pour quand à votre avis ?
- Pas de panique, on l'a repoussée aux calendes turques.
- Un mot s'il vous plaît sur le programme de l'UMB.
- La banque ?
- Non, l'Union Marocaine des Barbus. A propos de banque, comment pouvez-vous concilier une future banque islamiste à tous crins et l'abolition du crédit ?
- On a trouvé la formule magique, elle tient en six mots : " Le bonheur est dans le près "
- Dans le prêt ?
- Oui, dans le près, là où paissent les moutons, tous les moutons sauf les Rothschild millésimés.
- Ne craignez-vous pas de faire fuir les investisseurs ?
- Tant pis, chacun devra en prendre son parti : le vin est tiré, faut pas le boire.
- Y aura-t-il une police des mœurs de lutte contre le vice et gardienne des vertus ?
- Certainement, mais pas de poulets croisés, ni juifs du reste.
- Vous êtes friands de cette formule " les croisés et les juifs ". Qu'ont-ils de commun ?
- Tout, hormis le prépuce. Depuis les accords d'Oslo, les juifs sont à un jet de pierre des Palestiniens. Quant aux croisés, grâce au détroit de Gibraltar, seuls 14 kilomètres nous en séparent.
- 14 Km et autant de siècles. Maintiendrez-vous le pluripartisme ?
- Oui, y compris pour le mariage, car en politique comme pour le reste, nous sommes des libéraux et nous renvoyons dos à dos autant le parti unique que la monogamie. Quand aux ONG qui nous serinent avec le sida, les femmes battues et les filles mères, elles seront déclarées d'inutilité publique.
- Il semble que vous ne voyez que l'aspect négatif des choses, n'est-ce pas ?
- Voyez-vous, mon cher laïc, peu importe qu'une bouteille soit à moitié pleine ou à moitié vide, du moment qu'elle n'a pas de goulot.
- Et que ça bouchonne à l'entrée des mosquées.