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AL
BOUGHAZ
SEMINAIRE
2003
"LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL DE TANGER"
Organisé par l'Association AL BOUGHAZ
En collaboration avec l'INSTITUT FRANÇAIS DE TANGER-TETOUAN
HYBRIDATION
URBAINE
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Mauro BERTAGNIN
Architecte, Universitaire, Udine (Italie)
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La conservation
de l'architecture de la médina de Tanger est fonction
aussi de la connaissance de la technologie de l'architecture
de son tissu urbain. Le travail d'analyse sur le terrain, pendant
une semaine m'a permis d'observer certaines caractéristiques
de la médina de Tanger et du quartier de Bni Idder en
particulier.
Une première observation concerne un phénomène
que j'ai appelé hybridation technologique qui est aussi
la conséquence d'hybridation typologique que j'ai pu
observer à Bni Idder. Quand je suis arrivé à
l'aéroport de Tanger le chauffeur du taxi, pendant le
voyage vers l'hôtel m'a expliqué que la ville,
que j'allais visiter était une ville particulière,
métissé, sédimentée, à la
fois occidentale et orientale, dans laquelle le français,
l'espagnol, le portugais, l'anglais, l'italien et l'arabe se
retrouvent comme idiomes communs à plusieurs tangérois
qui les parlent, passant avec fluidité de l'un à
l'autre.
Une histoire de la ville qui s'exprime dans sa pluralité
des langages.
Voilà je me suis dit, une clé pour lire même
l'espace bâti, l'architecture, pour retrouver les racines
de cette contamination culturelle, de ce syncrétisme
qui est une des données acquises de la culture urbaine
de Tanger.
Les signes sur le tissu urbain
Les signes sur le tissu urbain sont évidents et l'architecture
témoigne des différentes présences et différentes
typologies. Il ya donc une pluralité qui à travers
l'architecture et la typologie du bâti peut être
saisie à travers l'architecture et sa typologie. Dans
notre étude sur Bni Idder cette pluralité est
ressortie d'une façon claire.
A chaque période de la ville, à chaque filière
fonctionnelle de la ville semble correspondre une typologie
donnée.
II y a donc une lecture typologique à faire qui peut
restituer une image nouvelle de la Médina qui vient de
l'analyse typo-morphologique du tissu bâti. Par exemple,
la période "diplomatique" a pour correspondant
l'architecture des Légations, qui est partie du processus
de métissage culturel et architectural de la médina
et de Bni Idder, en particulier.
Les différents lieux de culte, mosquées et zaouias,
églises catholiques, et synagogues nous racontent l'histoire
d'une ville complexe et en même temps sédimentée.
Comme mon maître Giancarlo De Carlo nous a appris, l'architecture
parle à travers ses espaces et la technologie du bâti.
Donc on a cherché au même temps sur le terrain
les données pour confirmer cette impression de complexité
et pluralité et aussi de diversité par rapport
à d'autres villes marocaines et maghrébines que
je connais.
Technologie du bâti et conservation de l'existant.
Pendant la recherche que j'ai menée dans les 10 ans passés
sur la conservation de l'architecture du Mouvement Moderne en
Italie, dans le cadre d'une recherche coordonnée à
l'échelle nationale avec une dizaine d'équipes
de diverses universités italiennes on a beaucoup appris
sur la technologie de l'architecture de la période fin
XIXème - début XXème siècle, par
rapport à la connaissance de l'architecture moderne.
En l'absence de dessins perdus ou non consultables en archives,
on a utilisé le relevé direct des détails
constructifs et on a refait les projets complets à l'échelle
1:50 du bâtiment analysé pour mieux comprendre
chaque architecture dans le cadre de l'évolution de la
technologie de l'architecture de la période.
Regardant de près les bâtiments de Bni Idder, on
lit clairement par exemple la présence d'une technologie
du bâti particulière qui fait référence
à certains choix technologiques typiques de l'art de
bâtir en Europe de la fin du XIX ème et début
XXème, tels que les encorbellements en fer et les voûtes
en briques.
Typique est l'utilisation des poutrelles en fer et de petites
voûtes en briques qui se retrouvent dans la technologie
du bâti du sud de l'Italie. Cette technologie est utilisée
largement soit dans les bâtiments publics soit dans les
maisons privées. On la retrouve aussi à Dar Niaba
où à I'intérieur de la plupart des maisons
étudiées.
On pourrait dire que le fer à Bni Idder, et dans la médina,
a en quelque sorte remplacé le bois créant une
nouvelle tradition typique de Tanger.
II serait intéressant d'investiguer les origines de ce
métissage technologique de l'architecture, qui probablement
remonte à la présence des architectes européens
actifs à Tanger pendant la période fin XIXème
siècle - début XXème siècle.
Probablement mes observations son déjà claires
pour la plupart des participants au colloque, mais à
mon avis, elles nécessitent d'être vérifiées
à la lumière d'une comparaison avec les traités
d'architecture de la période, qui signalent comme une
des technologies dominantes, les planchers mixtes fer et briques.
Je pense, par exemple, au traité de Breimann qui a beaucoup
influencé les choix des architectes. II serait encore
important de retrouver les savoir-faires des artisans qui ont
été à la base de ces architectures pour
entamer un processus correct de conservation. Cela serait possible
à travers la recherche et la formation.
La typologie
Encore quelques observations sur la typologie du bâti.
Je ne sais pas si c'était un hasard ou non, mais parmi
les maisons que j'ai visités, la moitié sont classiquement
distribuées selon le pattern arabe (squiffa et west-ed-dar)
tandis que les autres montrent un modèle différent
avec l'accès direct, sur la cour. Métissage typologique
ou témoignage d'autres modèles d'habitat hybridé
à l'intérieur du tissu urbain lors de la présence
d'autres communautés à l'intérieur de la
médina ? Ce ne sont que de petites questions qu'on se
pose et qu'à travers notre recherche on essaye d'éclaircir,
espérant apporter encore une petite portion de connaissance
qui puisse servir à valoriser et conserver cette merveilleuse
médina de Tanger.
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