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AL BOUGHAZ

SEMINAIRE 2003

"LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL DE TANGER"
Organisé par l'Association AL BOUGHAZ

En collaboration avec l'INSTITUT FRANÇAIS DE TANGER-TETOUAN

LE PATRIMOINE ÉCOLOGIQUE DE TANGER


Mohamed Larbi BEN OTHMANE
Universitaire


Pour reprendre le mot de Joubert parlant de l'œuvre de Chateaubriand, Tanger était jadis considérée comme un "enchantement".
Beaucoup ont chanté les charmes et les merveilles de la ville, Louis Chénier le poète, en 1787, disait que "de tous les pays qui ont survécu aux convulsions dont la surface du globe a été agitée, Tanger à l'embouchure occidentale du Détroit, était cette même ville qui par sa position, son climat et ses jardins avait les charmes de l'illusion. C'est la ville la plus fameuse de la Mauritanie". Bien d'autres auteurs aussi dont Léon l'Africain, Pierre Loti, Delacroix, Matisse ont aussi témoigné. Plus près de nous, ceux qu'elle a charmé sont innombrables : arabes, européens, américains.

Actuellement, on sonne en revanche l'alarme à propos des dangers et des dégâts qu'elle a subi. A ce propos, je voudrais rendre un hommage mérité à un grand homme qui vient de nous quitter dernièrement et qui a consacré plusieurs années de sa vie académique et universitaire à l'étude de la Péninsule tingitane.
L'ouvrage qu'il nous a laissé sur l'étude de l'homme et du milieu naturel de la région est une somme qui mérite d'être largement connue ou redécouverte par tous ceux qui s'intéressent à la cité de Tanger, à sa nature et à son avenir.
Il y traite de ses sources historico-géographiques, de son cadre naturel et humain, de son peuplement et ses populations, des rapports terres hommes qui s'y sont tissés depuis les temps les plus reculés.
En conclusion de sa thèse, cet auteur estime qu'il ne devrait pas y avoir "de contradictions absolues dans le cadre de la lutte pour l'amélioration des conditions de la vie et la défense du milieu naturel... A la condition que les transformations visent la neutralisation des principaux facteurs hostiles au développement économique, à l'émancipation de l'homme et à la formation du patrimoine écologique".
Conclusion admirable sous la plume de l'homme admirable que fut Si Ahmed EL GHARBAOUI, auteur de cette thèse.
Si Ahmed était un militant du patrimoine écologique bien qu'il fut surtout connu et admiré par son grand militantisme, pour toutes les grandes causes de son temps. Il était d'une fantastique générosité, un citoyen et un démocrate qui avait un grand cœur et savait s'en servir. II était un grand témoin et un acteur de son temps doté d'une immense expérience et d'une science infinie. C'est en voulant lui rendre hommage, que je me suis proposé de traiter du patrimoine écologique de Tanger de son tissu urbain et de son rivage.

Les problèmes que connaît actuellement ce patrimoine concernent les atteintes qui touchent à son équilibre et qui font partie intégrante des ravages environnementaux que connaît pratiquement tout le Maroc.
Ces atteintes sont constituées par les diverses pollutions touchant les eaux, l'air, la dégradation et la surexploitation des ressources naturelles par le biais d'une urbanisation excessive, effrénée et souvent anarchique.
Ces atteintes portent sur le patrimoine urbain comme sur le littoral. Elles ont commencé depuis quarante ans et se poursuivent de nos jours à un rythme soutenu entraînant une surcharge de plus en plus insupportable.

Au niveau urbain, la question écologique pose de grands problèmes à la ville. Comparativement aux autres régions du pays, la densité démographique est des plus fortes 250 habitants/KM2 contre 90 h/Km2 pour le Nord et seulement 60 pour la moyenne nationale. En l'espace de deux décennies, l'urbanisation a été multipliée par quatre.
Cette progression s'est traduite par une urbanisation non contrôlée et rapide et une très forte spéculation foncière. Beaucoup parlent de "fièvre spéculative" qui a poussé une partie de la population à vivre dans les périphéries et en tout cas hors des schémas directeurs et des conditions minimales de salubrité et d'infrastructures d'assainissement de base.
Toutes ces données affectent l'écosystème de la cité et de sa région et nécessitent des solutions dont nul pourtant n'entrevoit les prémices. Pire, cette problématique affecte aussi la nature du rapport à l'homme, à l'habitat et à la population. Les hommes et les femmes ont toujours été écartés de la décision concernant les modalités d'interventions sur leur propre milieu. Jamais, il n'ont été sollicités pour une participation à la gestion de leur milieu naturel ou sinon de façon marginale. Ce n'est pas seulement une question de laxisme mais plutôt des violations de la démocratie qui a amené et mis aux commandes de la vile des individus incompétents et spéculateurs.
Les instances communales et municipales désignées n'ont en aucune façon joué leur rôle de structure de promotion et de gestion du développement harmonieux et de préservations du patrimoine local. Aucun partenariat ne s'est jamais instauré pour intégrer la population dans les processus de protection de l'environnement, du patrimoine écologique, du système urbain et de l'espace littoral.
Concrètement, tout cela s'est traduit pas une urbanisation sauvage, une dégradation des équilibres naturels et une pollution du milieu et des plages.

Tanger, s'enorgueillit d'avoir l'une des plus belles baies du monde, comparable à celles des plus belles villes touristiques de la Terre. Dans le cadre du plan triennal 1965?67, il fut décidé la création de la Société Nationale de l'Aménagement de la Baie de Tanger. Elle démarra avec un programme couvrant 1.000 ha et s'étendant le long de la belle plage située à l'est de la baie, avec constitution d'une ambitieuse infrastructure touristique et résidentielle, une marina et un lac artificiel. Les terrains furent acquis par l'expropriation. Plusieurs raisons sont à l'origine de l'échec de ce projet dû à une mauvaise conception de l'aménagement et une néfaste erreur de gestion des conflits entre l'objet touristique de la baie et les besoins de l'économie en amont. Une mauvaise vision de l'ensemble entraîna une dégradation irresponsable du patrimoine écologique de la ville.
Le projet détient une partie de la plage renommée pour son sable fin et a perturbé la dynamique de la circulation marine aggravée par le prolongement de la digue du port. Contre cette distinction de la place qui affectait les installations touristiques, on a pensé construire un mur de protection et engager des travaux d'enrochement qui n'ont finalement servi à rien, sinon à défigurer le site naturel.
A côté et plus grave, en amont a été construite une zone industrielle avec une centaine d'unités extrêmement polluantes qui rejettent leurs déchets dans l'Oued Moghogha qui se déverse dans la plage. En outre, le même oued charrie les déchets solides, les déchets pollués de surface et ceux d'une décharge publique. Tout son contenu, par conséquence, aboutit dans la baie pour la polluer de façon irrémédiable.
Le même phénomène s'est vérifié pour la plage Merqala et ses alentours qui est devenue tout simplement impraticable et dont la pollution finira par rejoindre celle de la Baie.
On peut citer l'envasement du lac artificiel de Malabata conçu au départ pour accueillir sur 25 ha les sports nautiques et de plage. Sa situation actuelle impraticable est également due à sa mauvaise conception. Pourtant ce résultat était prévisible dès le début. II est vrai que tous ces projets et toutes ces réalisations touristiques et industrielles ne sont pas forcément inopportuns en soi. Tous se justifiaient et peuvent encore se justifier en tant que tels. Tanger a une vocation touristique et industrielle. Les problèmes écologiques et les préjudices graves qui en découlent viennent du fait que ces réalisations ont été pensées de façon séparée, sans aucune coordination et sans vision d'ensemble.
On pourrait en dire autant du patrimoine architectural de la ville qui a hérité d'un véritable cachet harmonieux et convivial. Evidemment que Tanger devait s'agrandir, démultiplier ses immeubles et ses surfaces habitées. Mais aujourd'hui elle tend à avoir beaucoup d'inconvénients d'une grande ville, sans avoir ses qualités en raison de l'anarchie qui a prévalu lors de son expansion géographique et spatiale.

Tanger disposait d'un agréable micro-climat urbain. L'anarchie, la spéculation, l'incompétence, la marginalisation de la population lui ont fait perdre cet immense atout. Les pollutions diverses, l'urbanisation rapide et non accompagnée de systèmes de gestion efficaces ont partout provoqué une atteinte à l'environnement et aux patrimoines architecturaux et écologiques. Par la faute d'hommes ignorants et irrespectueux de leur mission et obligation terrestres, Tanger n' y a pas échappé. Ils lui ont défiguré son passé et lui détruisent son avenir.