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AL BOUGHAZ

SEMINAIRE 2003

"LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL DE TANGER"
Organisé par l'Association AL BOUGHAZ

En collaboration avec l'INSTITUT FRANÇAIS DE TANGER-TETOUAN

LA DIMENSION MULTICULTURELLE
DE TANGER


M'Hammad BENABOUD
Universitaire, Tétouan
Association Tétouan-Asmir


Tanger est plus qu'une ville, elle est une réalité, un symbole, une mémoire collective et un mythe. Elle est aussi un rêve à réaliser. Tout cela a été possible grâce à sa dimension multiculturelle. Cette dimension est évidente dune part, parce qu'elle est le produit de la diversité ethnique et culturelle de la société tangéroise, mais elle n'est mentionnée que rarement, parce que la culture n'est pas aussi importante que les aspects économiques et sociaux de l'histoire de Tanger.

Cependant, cette dimension multiculturelle qui a existé à travers les siècles se caractérise par sa continuité. L'histoire de l'immigration à Tanger est le produit de ses contacts avec plusieurs cultures et civilisations. Par exemple, le nom de Tariq Ibn Ziyad est lié à Tanger. L'andalou AI-Mu'tamid Ibn Abbad est passé par Tanger en route vers Aghmat où Youssef Ibn Tashfine l'a emprisonné après avoir conquis Séville en 1093. Plus récemment, les visites du Sultan Moulay el Hassan en 1887, de l'Empereur Guillaume d'Allemagne en mars 1905 et de S.M. Mohamed V en 1947 sont très connues.

La culture multidimensionnelle de Tanger est le produit de cette ouverture vers l'extérieur. Elle est parfois difficile à saisir et encore plus difficile à définir, mais elle s'impose dans l'histoire de Tanger avec force. II y a une question qui se pose chaque fois qu'on discute le problème de la pluralité culturelle de Tanger. L'apport européen est tellement fort qu'il a parfois tendance à effacer la culture arabo-musulmane à Tanger. Cependant, toute vision de Tanger sans ses belles mosquées, ses zaouïas, ses fuqaha', ses souks et ses fêtes religieuses serait impensable. L'esprit tangérois et la mentalité tangéroise est différente, parce qu'elle englobe des traditions urbaines et rurales de plusieurs régions du Maroc. Le tempérament typique tangérois se distingue des autres.

Cependant, ce n'est pas la spécificité sinon la dimension internationale de Tanger qui la rend tellement attirante. Le tangérois est par nature extraverti. Les visiteurs et les immigrés ont pu s'intégrer et s'identifier avec l'une des multiples composantes de la culture tangéroise qu'il trouve dans sa culture d'origine. Par exemple, l'architecture du Palais de Moulay Hafid est très marquée par le style de Fès où de Marrakech. On peut trouver le zellige tétouanais dans la cour du Musée de la Kasba tandis que plusieurs styles européens dominent les monuments historiques les plus importants comme le Théâtre Cervantes ou la Cathédrale Catholique. L'influence marocaine est claire dans certains bâtiments européens comme la Légation américaine ou l'Eglise Protestante. La multiplicité culturelle de Tanger devient plus claire lorsqu'on adopte une approche qui la définit sur plusieurs niveaux comme l'histoire, l'architecture, la langue, la littérature, la peinture, etc... II ne s'agit pas ici d'approfondir l'étude de la notion d'une culture multidimensionnelle, sinon de clarifier certains de ses aspects qui restent jusqu'à présent un peu ignorés. Cependant, pour tous les connaisseurs de Tanger, cette dimension est prépondérante.

Tanger, ville internationale

La ville de Tanger a passionné beaucoup de visiteurs des régions les plus lointaines. Le personnage le plus représentatif de Tanger, Ibn Batouta, avait visité des pays aussi lointains que l'Inde et la Chine. Tanger fut visité par des voyageurs venus des quatre coins du monde d'où sa renommée internationale. Cette ville a en plus connu la domination de plusieurs civilisations. Les Phéniciens, les romains, les anglais, les portugais et les espagnols sont parmi les peuples qui ont dominé Tanger à travers son histoire. A partir de 1773 quand la capitale diplomatique du Maroc fut transférée de Tétouan à Tanger, la réputation de Tanger comme capitale diplomatique commença à s'accroître avec, en plus, sa prospérité économique due à ses activités commerciales et maritimes.

C'est à l'époque du Protectorat que la réputation de Tanger en tant que zone internationale a atteint son niveau le plus haut. II est maintenant difficile de penser à Tanger, sans être conditionné par cette image internationale de la ville du Détroit. Cette vision internationale de Tanger est surtout due à sa prospérité économique, mais la dimension culturelle n'a jamais été absente. Contrairement à d'autres villes du Maroc comme Fès où Tétouan, Tanger n'a jamais été une ville culturelle par excellence. C'est toujours le commerce terrestre et maritime qui l'a emporté. Cependant, la spécificité de la culture tangéroise réside dans un élément qui la caractérise. C'est sa capacité extraordinaire de s'ouvrir aux autres. Au XXème siècle, la communauté juive de Tétouan s'est installée à Tanger après l'occupation espagnole de Tétouan en 1860. Durant ce siècle, les plus grandes familles tétouanaises se sont installés à Tanger soit pour des raisons économiques, car beaucoup ont investi à Tanger après le recul économique de leur ville suivant la Guerre de 1860 ou pour des raisons professionnelles ou diplomatiques comme les représentants du Sultan Moulay Hassan Ier, comme Mhammad Khatib, Abdelkrim Ghanmia ou Mohammed Torres. Beaucoup de familles de Fès se sont installées à Tanger aussi dont les plus illustres sont les Mnebhi ou les Guennoun. Des membres du Makhzen se sont installés à Tanger comme Moulay Abdelaziz, Moulay Abdelhafid, Moulay Hassan Ben Mehdi et la Princesse Lalla Fatima Zahra.

Cependant, ce sont les européens qui ont contribué plus que quiconque à sa réputation internationale grâce à leurs consuls, hommes de lettres, commerçants, artistes et peintres. Des diplomates aussi extraordinaires que l'écossais John Drummond Hay au XXème et des millionnaires comme les américains Barbara Hutton ou Malcolm Forbes ont choisi Tanger comme résidence préférée. Enfin, il est clair que Tanger fut parmi les villes les plus cosmopolites et internationales du monde.

La dimension internationale de Tanger à travers l'histoire

L'histoire de Tanger diffère de celles des villes marocaines andalouses dans le sens qu'elle n'est pas une histoire des familles aristocratiques ni une histoire du peuple. L'histoire de Tanger est une histoire de plusieurs peuples, cultures et civilisations. Elle est en grande partie une histoire des occupations étrangères. Sa position stratégique dans le Détroit de Gibraltar a contribué a ouvrir les appétits des armées romaines, arabes, portugaises, espagnoles, anglaises. II ne s'agit pas ici de résumer l'histoire de Tanger ni de l'analyser en profondeur, sinon simplement d'indiquer certains éléments de cette histoire qui démontrent son caractère international, c'est à dire son implication dans des relations avec d'autres pays. Le passé historique de Tanger fut en grande partie semblable à celui d'autres villes côtières du Nord du Maroc.

Cependant, la vision historique qu'ont gardé les Tangérois et les historiens de Tanger est une vision rétrospective. L'image de Tanger qui a le plus marqué la mémoire collective tangéroise est celle de l'histoire de Tanger en tant que zone internationale. L'internationalité de Tanger durant la première moitie du XXème siècle est devenue un ingrédient essentiel dans l'image populaire de son histoire. Tanger s'est différenciée par cette dimension historique car elle n'était dominée ni par les forces coloniales françaises ni par les forces coloniales espagnoles. Cette originalité est importante à saisir, car il s'agit d'une étape originale et extraordinaire dans l'histoire du Maroc. Le glamour de cette phase historique contraste avec le recul de la plupart des villes marocaines durant le Protectorat. C'est ce qui explique la tendance à oublier les périodes moins brillantes de l'histoire de Tanger, surtout celles qui précédaient le XXème siècle et à souligner l'histoire de Tanger en tant que zone internationale, avec ses consuls européens, son administration propre, etc... II y a une autre explication à ce phénomène. Le développement plutôt triste de Tanger à partir de l'Indépendance contraste avec la splendeur de la période précédente, ce qui explique la nostalgie de plusieurs tangérois pour cette période. Cependant, l'orientation historique de Tanger a commencé à changer au troisième millénaire, avec son nouvel essor économique et les fréquentes visites de S.M. Mohammed VI à Tanger et à Tétouan.

Malgré tout cela, l'image de la dimension internationale de Tanger restera gravée dans la mémoire de tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de Tanger sur les plans :
- politique, parce qu'il s'agit d'une phase historique très particulière,
- social, parce qu'il y a peu de sociétés marocaines aussi cosmopolites que la société tangéroise,
- économique, parce que l'essor économique qu'a connu Tanger en tant que zone internationale restera gravée dans la mémoire de tous ceux qui ont vécu cette période
et culturel, parce que la culture tangéroise est la plus marquée par autant d'éléments variés.

Ce qu'il faut retenir, c'est que l'image et la mémoire de cette période à effacé l'image de son histoire précédente. Elle servira sans doute à orienter tout développement économique, social et cultures de la ville.

L'identité culturelle tangéroise

Le tangérois est très conscient de son identité culturelle. Cette identité se conditionne principalement par l'attachement du tangérois à sa terre, dont la beauté est incontestable grâce à sa situation géographique privilégiée regardant sur l'Atlantique, le Détroit de Gibraltar et la Méditerranée. Cette conscience se reflète dans sa fierté d'appartenir à Tanger qu'il exprime continuellement. Cependant la notion d'identité tangéroise est elle-même problématique étant donné la diversité culturelle et ethnique qui caractérise cette ville, l'importance de la communauté étrangère de Tanger et le pourcentage élevé de nouveaux immigrés dans la société tangéroise. Qu'est ce qu'un tangérois ? La réponse diffère. Dans la conscience collective des habitants de Tanger, on peut distinguer les vieux tangérois et les nouveaux tangérois. Ceci est normal dans une ville où l'immigration est énorme. Cependant, il y a un autre problème qui s'impose dans le débat sur l'identité tangéroise. La structure sociale se divise en plusieurs petites communautés. Les juifs et les espagnols de Tanger se considèrent aussi tangérois que les marocains musulmans, mais leur tissu culturel est très différent. Parmi les marocains, il y a des tangérois d'origine rurale et d'autres d'origine urbaine. Le tangérois d'origine fassi, chaouni ou tétouani se distingue du tangérois d'origine rifaine, djeblie ou soussie par son comportement, sa mentalité et ses goûts. Le critère de l'ancienneté est souvent moins important que le lieu d'origine. Par exemple, un djebli ou un rifain est parfois accepté comme tangérois plus facilement qu'un fassi à cause de la domination des tangérois d'origine rurale. Cependant, ce qui est intéressant c'est l'intégration de cette diversité linguistique, culturelle et ethnique dans une société tolérante et métropolitaine. Etant donnée la diversité culturelle des tangérois, c'est l'installation dans un lieu qui détermine l'appartenance et l'identité culturelle des tangérois. L'esprit ouvert et hospitalier des tangérois a encouragé cette tendance. Le fait que l'héritage historique de Tanger n'est pas aussi lourd que celui des autres villes du Maroc, explique la tendance à renouveler et changer. La proximité de Tanger à l'Europe et son contact permanent avec des pays européens a toujours été un facteur positif qui explique l'esprit ouvert de ses habitants. La cohabitation d'une communauté étrangère avec les marocains à Tanger est particulièrement importante. Ces européens finissent par se sentir aussi tangérois qu'espagnols, français, anglais ou italiens grâce non seulement à leurs souvenirs d'enfance, leurs amitiés de toute la vie, mais aussi grâce à leurs intérêts professionnels.

Du point de vue culturel, la présence de Tanger dans la littérature européenne est très marquée. Dans le domaine de la peinture, on cite souvent les exemples des peintures de Delacroix et Matisse sur Tanger. D'autres peintres moins connus ont choisi Tanger pour passer toute leur vie. Tel est le cas des américains James et Marguerite MacBey dont les tableaux décorent les salles de l'ancienne Légation Américaine. Les dessins de Gaudi pour construire une cathédrale à Tanger sont impressionnants. Dans le domaine littéraire, le nom de Paul Bowles, auteur du roman, A Life Full of Holes, qui a passé presque toute sa vie à Tanger restera lié à cette ville. D'autres écrivains américains moins connus se sont intéressé à Tanger comme John Hopkins, ex-enseignant à l'American School of Tangier, dans son roman Tangiers Buzless Flies.

Les écrivains tangérois d'expression arabe occupent une place importante parmi les intellectuels marocains. La dimension internationale de Tanger se reflète méme dans certains écrivains marocains. Les romans français de Tahar Benjelloun ont contribué à faire connaître Tanger en France, pays avec lequel elle était historiquement moins associée que d'autres pays européens comme la Grande Bretagne. Les romans de Tahar Benjelloun ont contribué aussi à faire connaître Tanger parmi l'élite francophone marocaine. Citons aussi Mohamed Choukri, qui a choisi Tanger comme résidence permanente depuis des années. Abdallah Guennoun, auteur d'une importante anthologie de littérature marocaine d'expression arabe, qui a laissé une magnifique bibliothèque au public est le plus connu, mais il y a d'autres avant lui comme Skirej auteur d'une histoire de Tanger.

La presse tangéroise en langue arabe, surtout à l'époque du Protectorat, fut particulièrement importante à côté de celle de Tétouan. Les liens nationalistes de Tanger avec les partis politiques de l'époque du Protectorat étaient importants. Les visites à Tanger de leaders nationalistes comme Abdelkhalaq Torres, Cheikh Mekki Naçiri, Allal Fassi et Mohamed Ouazzani étaient fréquentes. Les nationalistes tangérois se souviennent de la visite de Chakib Arsalane à Tanger et Tétouan ainsi que des funérailles le premier janvier 1950 du leader nationaliste M'hammad A. Benaboud mort dans un accident d'avion au Pakistan. C'est après sa mort qu'il fut prédestiné à se reposer dans son tombeau dans le sanctuaire de Sidi Bouarraquia.

Tanger et la multiplicité des cultures

Tous ceux qui ont vécu à Tanger ont eu l'opportunité d'avoir un contact direct et permanent avec plusieurs cultures, au point que pluralité culturelle devient la norme. La présence d'une communauté chrétienne européenne importante, d'une communauté juive, d'une communauté hindoue dans une société musulmane qui est elle-même composée d'éléments ethniques variés s'est caractérisée par une cohabitation paisible marquée par le respect mutuel. Les intérêts commerciaux et une longue histoire d'immigration ont évité toute confrontation ethnique ou confessionnelle. Cette multiplicité de cultures se reflète dans la culture tangéroise et a servi à l'enrichir. A cela, il faudrait ajouter la diversité ethnique et cultureile des éléments humains qui composent la société tangéroise musulmane. II est impossible de trouver un tangérois dont la famille n'est pas d'origine rifaine, djeblie, soussie, fassie ou tétouanaise, auquel on pourrait ajouter ceux qui sont d'origine ouazzanie, marrakchie ou rbatie. Les tangérois d'origine citadine gardent une mémoire plus vive de leur origine, tandis que les rifains et les djeblis s'intègrent socialement avec plus de facilité dans le tissu social tangérois. Cependant, Tanger est une terre d'intégration sociale. L'esprit tangérois est assez facile à détecter et à apprécier.

Le Multilinguisme

Le multilinguisme est l'une des caractéristiques les plus frappantes de Tanger. Ce phénomène s'explique par plusieurs raisons. L'arabe, le berbère du Rif ou de la région du Sous, l'espagnol, le français, l'anglais et l'italien sont parmi les langues que parlent chez eux les habitants de Tanger. Les marocains parlent l'arabe dans leur plus grande majorité. Les européens parlent des langues européens selon leur nationalité espagnole, française, anglaise ou américaine ou italienne. Cependant il y a des exceptions qui contredisent cette règle. Les juifs marocains parlent français ou espagnol. Dans le monde des affaires, les marocains parlent les langues européens avec les européennes, mais les européens ne parlent l'arabe avec les marocains qu'exceptionnellement.
Dans le domaine de l'enseignement, le multilinguisme s'impose et la langue utilisée diffère d'une institution à l'autre. Les écoles étrangères sont nombreuses. Il y a le Lycée Regnault, l'Instituto Severo Ochoa, l'American School of Tangier et d'autres écoles qui n'existent plus à cause de la diminution des membres de certaines communautés comme l'école italienne ou l'école israélite. Ces écoles ont eu un impact très fort pour deux raisons. Premièrement, il s'agit d'écoles d'un haut niveau qui sont appuyées et financées par leurs gouvernements. Par exemple les écoles française et espagnole dépendent des gouvernements de leurs pays.

Deuxièmement, ces écoles acceptent un certain pourcentage d'élèves marocains. Dans ce cas, l'école joue le rôle d'un agent de socialisation en diffusant la langue étrangère en question et à travers cette langue la culture étrangère en question, dans la société tangéroise y compris les éléments marocains.

Troisièmement, l'impact des écoles étrangères de Tanger a toujours été très fort à cause de son ancienneté et de sa continuité. Par exemple l'American School of Tangier fondée en 1950 est la première école américaine du Maroc. Cependant, certaines écoles étrangères sont plus récentes comme l'école turque.

Cependant, l'enseignement des langues étrangères à Tanger a été restreint dans l'absence d'institutions universitaires, dont l'apparition est récente avec la création de la Faculté, les Ecoles et les Instituts de l'Université Abdelmalek Es Saadi dont le siège du rectorat est toujours sis à Tétouan.

En plus des institutions d'enseignement, il y a d'autres agents de propagation de ces langues comme les missions et les instituts culturels comme l'Institut Français de Tanger-Tétouan et l'Instituto Cervantes de Tanger dont les activités sont nombreuses.

De nombreux facteurs assurent la propagation des langues étrangères à Tanger comme l'existence d'une importante communauté internationale. Les employés des écoles, des consulats en plus des commerçants et plus récemment des industriels étrangers ainsi que les touristes ont contribué et continuent à contribuer à la diffusion des langues étrangères à Tanger.

Parmi d'autres agents de socialisation qui ont contribué à la propagation des langues européens citons la presse et la télévision. Dès le XIXème siècle, le journal EI Mogreb el Aksa fut publié à Tanger en anglais et en espagnol. On peut suivre la visite à Tanger de Moulay Hassan IerI à travers ce journal. Les européens lisaient les journaux étrangers à Tanger depuis le XIXème siècle aussi. Par exemple le Consul anglais Sir John Drummond Hay suivait les évènements qui ont conduit à la Guerre de Tétouan de 1860 à travers le Gibraltar Inteligencer dont les coupures figuraient dans l'archive consulaire anglaise et américaine de l'époque. Le journal Espana publié à Tanger en espagnol avant et après l'Indépendance était d'un haut niveau journalistique. Les six chaînes espagnoles de télévision ont un impact linguistique très fort à Tanger.

Ces moyens de diffusion linguistique à Tanger sont connus, mais ce qui n'a pas été étudié de manière scientifique c'est leur impact social. Tout enfant qui vit à Tanger est exposé à plusieurs langues d'une façon exceptionnelle. Sa familiarité avec tant de langues lui ouvre de nombreux horizons. Le multilinguisme devient normal.

Conclusion

La dimension culturelle de Tanger est claire sur plusieurs niveaux. Ce qui pousse à la réflexion c'est l'importance de cette dimension dans un monde qui est dominé par la confrontation culturelle et la violence. II y bien sur d'autres villes au Maroc où la multiplicité culturelle s'impose. Cependant, il y a peu de villes au Maroc où le degré de la pluralité culturelle ressemble celle de Tanger. Tanger n'est pas pacifiste dans un sens absolu.

Les Tangérois ont participé au mouvement pour la libération nationale à côté des militants d'autres régions du Maroc. Allal Fassi, Mohamed Ouazzani, Ahmed Balafrije, Abdelkhalaq Torres et Mekki Naçiri ont milité à Tanger pour éviter la persécution des autorités coloniales françaises ou espagnoles. Le père de celui qui écrit ces lignes et qui est mort au Pakistan pour l'Independance de son pays est enterré dans le Mausolée de Sidi Bou Arraqiya. Mohammed V a choisi Tanger pour prononcer son fameux discours le 9 avril 1947. Le combat pour l'Indépendance se voit aussi dans la presse nationaliste tangéroise ou dans les activités culturelles ou éducatives de certaines figures comme Abdallah Guenoun. Les combattants pour la libération du Maroc dans les années cinquante étaient actifs à Tanger comme dans d'autres villes du Maroc comme Tétouan, Nador, Méknès, Casablanca ou Salé. Cependant, malgré les différences de positions politiques avec les autorités coloniales, les tangérois ont toujours vécu en paix côte à côte avec les européens. Tanger a toujours été une terre d'accueil en grande partie grâce a la pluralité de sa dimension culturelle.

La multiplicité culturelle est en quelque sorte la marque d'identité tangéroise. La société tangéroise est capable d'absorber plusieurs éléments culturels, mais les défis qui nous menacent aujourd'hui sont peut être plus forts que dans le passé. Intégrisme, violence, terrorisme et une mondialisation sauvage et institutionnalisée menacent le tiers monde et aucune ville ne peut être sûre d'éviter cette menace. Cependant, la pluralité culturelle peut servir à protéger la société de l'extrémisme. Dans ce cas, Tanger pourra servir d'exemple dans le présent et dans le futur.