Tanger
est plus qu'une ville, elle est une réalité,
un symbole, une mémoire collective et un mythe. Elle
est aussi un rêve à réaliser. Tout cela
a été possible grâce à sa dimension
multiculturelle. Cette dimension est évidente dune
part, parce qu'elle est le produit de la diversité
ethnique et culturelle de la société tangéroise,
mais elle n'est mentionnée que rarement, parce que
la culture n'est pas aussi importante que les aspects économiques
et sociaux de l'histoire de Tanger.
Cependant, cette dimension multiculturelle qui a existé
à travers les siècles se caractérise
par sa continuité. L'histoire de l'immigration à
Tanger est le produit de ses contacts avec plusieurs cultures
et civilisations. Par exemple, le nom de Tariq Ibn Ziyad est
lié à Tanger. L'andalou AI-Mu'tamid Ibn Abbad
est passé par Tanger en route vers Aghmat où
Youssef Ibn Tashfine l'a emprisonné après avoir
conquis Séville en 1093. Plus récemment, les
visites du Sultan Moulay el Hassan en 1887, de l'Empereur
Guillaume d'Allemagne en mars 1905 et de S.M. Mohamed V en
1947 sont très connues.
La culture multidimensionnelle de Tanger est le produit de
cette ouverture vers l'extérieur. Elle est parfois
difficile à saisir et encore plus difficile à
définir, mais elle s'impose dans l'histoire de Tanger
avec force. II y a une question qui se pose chaque fois qu'on
discute le problème de la pluralité culturelle
de Tanger. L'apport européen est tellement fort qu'il
a parfois tendance à effacer la culture arabo-musulmane
à Tanger. Cependant, toute vision de Tanger sans ses
belles mosquées, ses zaouïas, ses fuqaha', ses
souks et ses fêtes religieuses serait impensable. L'esprit
tangérois et la mentalité tangéroise
est différente, parce qu'elle englobe des traditions
urbaines et rurales de plusieurs régions du Maroc.
Le tempérament typique tangérois se distingue
des autres.
Cependant, ce n'est pas la spécificité sinon
la dimension internationale de Tanger qui la rend tellement
attirante. Le tangérois est par nature extraverti.
Les visiteurs et les immigrés ont pu s'intégrer
et s'identifier avec l'une des multiples composantes de la
culture tangéroise qu'il trouve dans sa culture d'origine.
Par exemple, l'architecture du Palais de Moulay Hafid est
très marquée par le style de Fès où
de Marrakech. On peut trouver le zellige tétouanais
dans la cour du Musée de la Kasba tandis que plusieurs
styles européens dominent les monuments historiques
les plus importants comme le Théâtre Cervantes
ou la Cathédrale Catholique. L'influence marocaine
est claire dans certains bâtiments européens
comme la Légation américaine ou l'Eglise Protestante.
La multiplicité culturelle de Tanger devient plus claire
lorsqu'on adopte une approche qui la définit sur plusieurs
niveaux comme l'histoire, l'architecture, la langue, la littérature,
la peinture, etc... II ne s'agit pas ici d'approfondir l'étude
de la notion d'une culture multidimensionnelle, sinon de clarifier
certains de ses aspects qui restent jusqu'à présent
un peu ignorés. Cependant, pour tous les connaisseurs
de Tanger, cette dimension est prépondérante.
Tanger,
ville internationale
La ville
de Tanger a passionné beaucoup de visiteurs des régions
les plus lointaines. Le personnage le plus représentatif
de Tanger, Ibn Batouta, avait visité des pays aussi
lointains que l'Inde et la Chine. Tanger fut visité
par des voyageurs venus des quatre coins du monde d'où
sa renommée internationale. Cette ville a en plus connu
la domination de plusieurs civilisations. Les Phéniciens,
les romains, les anglais, les portugais et les espagnols sont
parmi les peuples qui ont dominé Tanger à travers
son histoire. A partir de 1773 quand la capitale diplomatique
du Maroc fut transférée de Tétouan à
Tanger, la réputation de Tanger comme capitale diplomatique
commença à s'accroître avec, en plus,
sa prospérité économique due à
ses activités commerciales et maritimes.
C'est à l'époque du Protectorat que la réputation
de Tanger en tant que zone internationale a atteint son niveau
le plus haut. II est maintenant difficile de penser à
Tanger, sans être conditionné par cette image
internationale de la ville du Détroit. Cette vision
internationale de Tanger est surtout due à sa prospérité
économique, mais la dimension culturelle n'a jamais
été absente. Contrairement à d'autres
villes du Maroc comme Fès où Tétouan,
Tanger n'a jamais été une ville culturelle par
excellence. C'est toujours le commerce terrestre et maritime
qui l'a emporté. Cependant, la spécificité
de la culture tangéroise réside dans un élément
qui la caractérise. C'est sa capacité extraordinaire
de s'ouvrir aux autres. Au XXème siècle, la
communauté juive de Tétouan s'est installée
à Tanger après l'occupation espagnole de Tétouan
en 1860. Durant ce siècle, les plus grandes familles
tétouanaises se sont installés à Tanger
soit pour des raisons économiques, car beaucoup ont
investi à Tanger après le recul économique
de leur ville suivant la Guerre de 1860 ou pour des raisons
professionnelles ou diplomatiques comme les représentants
du Sultan Moulay Hassan Ier, comme Mhammad Khatib, Abdelkrim
Ghanmia ou Mohammed Torres. Beaucoup de familles de Fès
se sont installées à Tanger aussi dont les plus
illustres sont les Mnebhi ou les Guennoun. Des membres du
Makhzen se sont installés à Tanger comme Moulay
Abdelaziz, Moulay Abdelhafid, Moulay Hassan Ben Mehdi et la
Princesse Lalla Fatima Zahra.
Cependant, ce sont les européens qui ont contribué
plus que quiconque à sa réputation internationale
grâce à leurs consuls, hommes de lettres, commerçants,
artistes et peintres. Des diplomates aussi extraordinaires
que l'écossais John Drummond Hay au XXème et
des millionnaires comme les américains Barbara Hutton
ou Malcolm Forbes ont choisi Tanger comme résidence
préférée. Enfin, il est clair que Tanger
fut parmi les villes les plus cosmopolites et internationales
du monde.
La dimension
internationale de Tanger à travers l'histoire
L'histoire
de Tanger diffère de celles des villes marocaines andalouses
dans le sens qu'elle n'est pas une histoire des familles aristocratiques
ni une histoire du peuple. L'histoire de Tanger est une histoire
de plusieurs peuples, cultures et civilisations. Elle est
en grande partie une histoire des occupations étrangères.
Sa position stratégique dans le Détroit de Gibraltar
a contribué a ouvrir les appétits des armées
romaines, arabes, portugaises, espagnoles, anglaises. II ne
s'agit pas ici de résumer l'histoire de Tanger ni de
l'analyser en profondeur, sinon simplement d'indiquer certains
éléments de cette histoire qui démontrent
son caractère international, c'est à dire son
implication dans des relations avec d'autres pays. Le passé
historique de Tanger fut en grande partie semblable à
celui d'autres villes côtières du Nord du Maroc.
Cependant, la vision historique qu'ont gardé les Tangérois
et les historiens de Tanger est une vision rétrospective.
L'image de Tanger qui a le plus marqué la mémoire
collective tangéroise est celle de l'histoire de Tanger
en tant que zone internationale. L'internationalité
de Tanger durant la première moitie du XXème
siècle est devenue un ingrédient essentiel dans
l'image populaire de son histoire. Tanger s'est différenciée
par cette dimension historique car elle n'était dominée
ni par les forces coloniales françaises ni par les
forces coloniales espagnoles. Cette originalité est
importante à saisir, car il s'agit d'une étape
originale et extraordinaire dans l'histoire du Maroc. Le glamour
de cette phase historique contraste avec le recul de la plupart
des villes marocaines durant le Protectorat. C'est ce qui
explique la tendance à oublier les périodes
moins brillantes de l'histoire de Tanger, surtout celles qui
précédaient le XXème siècle et
à souligner l'histoire de Tanger en tant que zone internationale,
avec ses consuls européens, son administration propre,
etc... II y a une autre explication à ce phénomène.
Le développement plutôt triste de Tanger à
partir de l'Indépendance contraste avec la splendeur
de la période précédente, ce qui explique
la nostalgie de plusieurs tangérois pour cette période.
Cependant, l'orientation historique de Tanger a commencé
à changer au troisième millénaire, avec
son nouvel essor économique et les fréquentes
visites de S.M. Mohammed VI à Tanger et à Tétouan.
Malgré tout cela, l'image de la dimension internationale
de Tanger restera gravée dans la mémoire de
tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de
Tanger sur les plans :
- politique, parce qu'il s'agit d'une phase historique très
particulière,
- social, parce qu'il y a peu de sociétés marocaines
aussi cosmopolites que la société tangéroise,
- économique, parce que l'essor économique qu'a
connu Tanger en tant que zone internationale restera gravée
dans la mémoire de tous ceux qui ont vécu cette
période
et culturel, parce que la culture tangéroise est la
plus marquée par autant d'éléments variés.
Ce qu'il faut retenir, c'est que l'image et la mémoire
de cette période à effacé l'image de
son histoire précédente. Elle servira sans doute
à orienter tout développement économique,
social et cultures de la ville.
L'identité
culturelle tangéroise
Le tangérois
est très conscient de son identité culturelle.
Cette identité se conditionne principalement par l'attachement
du tangérois à sa terre, dont la beauté
est incontestable grâce à sa situation géographique
privilégiée regardant sur l'Atlantique, le Détroit
de Gibraltar et la Méditerranée. Cette conscience
se reflète dans sa fierté d'appartenir à
Tanger qu'il exprime continuellement. Cependant la notion
d'identité tangéroise est elle-même problématique
étant donné la diversité culturelle et
ethnique qui caractérise cette ville, l'importance
de la communauté étrangère de Tanger
et le pourcentage élevé de nouveaux immigrés
dans la société tangéroise. Qu'est ce
qu'un tangérois ? La réponse diffère.
Dans la conscience collective des habitants de Tanger, on
peut distinguer les vieux tangérois et les nouveaux
tangérois. Ceci est normal dans une ville où
l'immigration est énorme. Cependant, il y a un autre
problème qui s'impose dans le débat sur l'identité
tangéroise. La structure sociale se divise en plusieurs
petites communautés. Les juifs et les espagnols de
Tanger se considèrent aussi tangérois que les
marocains musulmans, mais leur tissu culturel est très
différent. Parmi les marocains, il y a des tangérois
d'origine rurale et d'autres d'origine urbaine. Le tangérois
d'origine fassi, chaouni ou tétouani se distingue du
tangérois d'origine rifaine, djeblie ou soussie par
son comportement, sa mentalité et ses goûts.
Le critère de l'ancienneté est souvent moins
important que le lieu d'origine. Par exemple, un djebli ou
un rifain est parfois accepté comme tangérois
plus facilement qu'un fassi à cause de la domination
des tangérois d'origine rurale. Cependant, ce qui est
intéressant c'est l'intégration de cette diversité
linguistique, culturelle et ethnique dans une société
tolérante et métropolitaine. Etant donnée
la diversité culturelle des tangérois, c'est
l'installation dans un lieu qui détermine l'appartenance
et l'identité culturelle des tangérois. L'esprit
ouvert et hospitalier des tangérois a encouragé
cette tendance. Le fait que l'héritage historique de
Tanger n'est pas aussi lourd que celui des autres villes du
Maroc, explique la tendance à renouveler et changer.
La proximité de Tanger à l'Europe et son contact
permanent avec des pays européens a toujours été
un facteur positif qui explique l'esprit ouvert de ses habitants.
La cohabitation d'une communauté étrangère
avec les marocains à Tanger est particulièrement
importante. Ces européens finissent par se sentir aussi
tangérois qu'espagnols, français, anglais ou
italiens grâce non seulement à leurs souvenirs
d'enfance, leurs amitiés de toute la vie, mais aussi
grâce à leurs intérêts professionnels.
Du point de vue culturel, la présence de Tanger dans
la littérature européenne est très marquée.
Dans le domaine de la peinture, on cite souvent les exemples
des peintures de Delacroix et Matisse sur Tanger. D'autres
peintres moins connus ont choisi Tanger pour passer toute
leur vie. Tel est le cas des américains James et Marguerite
MacBey dont les tableaux décorent les salles de l'ancienne
Légation Américaine. Les dessins de Gaudi pour
construire une cathédrale à Tanger sont impressionnants.
Dans le domaine littéraire, le nom de Paul Bowles,
auteur du roman, A Life Full of Holes, qui a passé
presque toute sa vie à Tanger restera lié à
cette ville. D'autres écrivains américains moins
connus se sont intéressé à Tanger comme
John Hopkins, ex-enseignant à l'American School of
Tangier, dans son roman Tangiers Buzless Flies.
Les écrivains tangérois d'expression arabe occupent
une place importante parmi les intellectuels marocains. La
dimension internationale de Tanger se reflète méme
dans certains écrivains marocains. Les romans français
de Tahar Benjelloun ont contribué à faire connaître
Tanger en France, pays avec lequel elle était historiquement
moins associée que d'autres pays européens comme
la Grande Bretagne. Les romans de Tahar Benjelloun ont contribué
aussi à faire connaître Tanger parmi l'élite
francophone marocaine. Citons aussi Mohamed Choukri, qui a
choisi Tanger comme résidence permanente depuis des
années. Abdallah Guennoun, auteur d'une importante
anthologie de littérature marocaine d'expression arabe,
qui a laissé une magnifique bibliothèque au
public est le plus connu, mais il y a d'autres avant lui comme
Skirej auteur d'une histoire de Tanger.
La presse tangéroise en langue arabe, surtout à
l'époque du Protectorat, fut particulièrement
importante à côté de celle de Tétouan.
Les liens nationalistes de Tanger avec les partis politiques
de l'époque du Protectorat étaient importants.
Les visites à Tanger de leaders nationalistes comme
Abdelkhalaq Torres, Cheikh Mekki Naçiri, Allal Fassi
et Mohamed Ouazzani étaient fréquentes. Les
nationalistes tangérois se souviennent de la visite
de Chakib Arsalane à Tanger et Tétouan ainsi
que des funérailles le premier janvier 1950 du leader
nationaliste M'hammad A. Benaboud mort dans un accident d'avion
au Pakistan. C'est après sa mort qu'il fut prédestiné
à se reposer dans son tombeau dans le sanctuaire de
Sidi Bouarraquia.
Tanger
et la multiplicité des cultures
Tous ceux
qui ont vécu à Tanger ont eu l'opportunité
d'avoir un contact direct et permanent avec plusieurs cultures,
au point que pluralité culturelle devient la norme.
La présence d'une communauté chrétienne
européenne importante, d'une communauté juive,
d'une communauté hindoue dans une société
musulmane qui est elle-même composée d'éléments
ethniques variés s'est caractérisée par
une cohabitation paisible marquée par le respect mutuel.
Les intérêts commerciaux et une longue histoire
d'immigration ont évité toute confrontation
ethnique ou confessionnelle. Cette multiplicité de
cultures se reflète dans la culture tangéroise
et a servi à l'enrichir. A cela, il faudrait ajouter
la diversité ethnique et cultureile des éléments
humains qui composent la société tangéroise
musulmane. II est impossible de trouver un tangérois
dont la famille n'est pas d'origine rifaine, djeblie, soussie,
fassie ou tétouanaise, auquel on pourrait ajouter ceux
qui sont d'origine ouazzanie, marrakchie ou rbatie. Les tangérois
d'origine citadine gardent une mémoire plus vive de
leur origine, tandis que les rifains et les djeblis s'intègrent
socialement avec plus de facilité dans le tissu social
tangérois. Cependant, Tanger est une terre d'intégration
sociale. L'esprit tangérois est assez facile à
détecter et à apprécier.
Le Multilinguisme
Le multilinguisme
est l'une des caractéristiques les plus frappantes
de Tanger. Ce phénomène s'explique par plusieurs
raisons. L'arabe, le berbère du Rif ou de la région
du Sous, l'espagnol, le français, l'anglais et l'italien
sont parmi les langues que parlent chez eux les habitants
de Tanger. Les marocains parlent l'arabe dans leur plus grande
majorité. Les européens parlent des langues
européens selon leur nationalité espagnole,
française, anglaise ou américaine ou italienne.
Cependant il y a des exceptions qui contredisent cette règle.
Les juifs marocains parlent français ou espagnol. Dans
le monde des affaires, les marocains parlent les langues européens
avec les européennes, mais les européens ne
parlent l'arabe avec les marocains qu'exceptionnellement.
Dans le domaine de l'enseignement, le multilinguisme s'impose
et la langue utilisée diffère d'une institution
à l'autre. Les écoles étrangères
sont nombreuses. Il y a le Lycée Regnault, l'Instituto
Severo Ochoa, l'American School of Tangier et d'autres écoles
qui n'existent plus à cause de la diminution des membres
de certaines communautés comme l'école italienne
ou l'école israélite. Ces écoles ont
eu un impact très fort pour deux raisons. Premièrement,
il s'agit d'écoles d'un haut niveau qui sont appuyées
et financées par leurs gouvernements. Par exemple les
écoles française et espagnole dépendent
des gouvernements de leurs pays.
Deuxièmement, ces écoles acceptent un certain
pourcentage d'élèves marocains. Dans ce cas,
l'école joue le rôle d'un agent de socialisation
en diffusant la langue étrangère en question
et à travers cette langue la culture étrangère
en question, dans la société tangéroise
y compris les éléments marocains.
Troisièmement, l'impact des écoles étrangères
de Tanger a toujours été très fort à
cause de son ancienneté et de sa continuité.
Par exemple l'American School of Tangier fondée en
1950 est la première école américaine
du Maroc. Cependant, certaines écoles étrangères
sont plus récentes comme l'école turque.
Cependant, l'enseignement des langues étrangères
à Tanger a été restreint dans l'absence
d'institutions universitaires, dont l'apparition est récente
avec la création de la Faculté, les Ecoles et
les Instituts de l'Université Abdelmalek Es Saadi dont
le siège du rectorat est toujours sis à Tétouan.
En plus des institutions d'enseignement, il y a d'autres agents
de propagation de ces langues comme les missions et les instituts
culturels comme l'Institut Français de Tanger-Tétouan
et l'Instituto Cervantes de Tanger dont les activités
sont nombreuses.
De nombreux facteurs assurent la propagation des langues étrangères
à Tanger comme l'existence d'une importante communauté
internationale. Les employés des écoles, des
consulats en plus des commerçants et plus récemment
des industriels étrangers ainsi que les touristes ont
contribué et continuent à contribuer à
la diffusion des langues étrangères à
Tanger.
Parmi d'autres agents de socialisation qui ont contribué
à la propagation des langues européens citons
la presse et la télévision. Dès le XIXème
siècle, le journal EI Mogreb el Aksa fut publié
à Tanger en anglais et en espagnol. On peut suivre
la visite à Tanger de Moulay Hassan IerI à travers
ce journal. Les européens lisaient les journaux étrangers
à Tanger depuis le XIXème siècle aussi.
Par exemple le Consul anglais Sir John Drummond Hay suivait
les évènements qui ont conduit à la Guerre
de Tétouan de 1860 à travers le Gibraltar Inteligencer
dont les coupures figuraient dans l'archive consulaire anglaise
et américaine de l'époque. Le journal Espana
publié à Tanger en espagnol avant et après
l'Indépendance était d'un haut niveau journalistique.
Les six chaînes espagnoles de télévision
ont un impact linguistique très fort à Tanger.
Ces moyens de diffusion linguistique à Tanger sont
connus, mais ce qui n'a pas été étudié
de manière scientifique c'est leur impact social. Tout
enfant qui vit à Tanger est exposé à
plusieurs langues d'une façon exceptionnelle. Sa familiarité
avec tant de langues lui ouvre de nombreux horizons. Le multilinguisme
devient normal.
Conclusion
La dimension
culturelle de Tanger est claire sur plusieurs niveaux. Ce
qui pousse à la réflexion c'est l'importance
de cette dimension dans un monde qui est dominé par
la confrontation culturelle et la violence. II y bien sur
d'autres villes au Maroc où la multiplicité
culturelle s'impose. Cependant, il y a peu de villes au Maroc
où le degré de la pluralité culturelle
ressemble celle de Tanger. Tanger n'est pas pacifiste dans
un sens absolu.
Les Tangérois ont participé au mouvement pour
la libération nationale à côté
des militants d'autres régions du Maroc. Allal Fassi,
Mohamed Ouazzani, Ahmed Balafrije, Abdelkhalaq Torres et Mekki
Naçiri ont milité à Tanger pour éviter
la persécution des autorités coloniales françaises
ou espagnoles. Le père de celui qui écrit ces
lignes et qui est mort au Pakistan pour l'Independance de
son pays est enterré dans le Mausolée de Sidi
Bou Arraqiya. Mohammed V a choisi Tanger pour prononcer son
fameux discours le 9 avril 1947. Le combat pour l'Indépendance
se voit aussi dans la presse nationaliste tangéroise
ou dans les activités culturelles ou éducatives
de certaines figures comme Abdallah Guenoun. Les combattants
pour la libération du Maroc dans les années
cinquante étaient actifs à Tanger comme dans
d'autres villes du Maroc comme Tétouan, Nador, Méknès,
Casablanca ou Salé. Cependant, malgré les différences
de positions politiques avec les autorités coloniales,
les tangérois ont toujours vécu en paix côte
à côte avec les européens. Tanger a toujours
été une terre d'accueil en grande partie grâce
a la pluralité de sa dimension culturelle.
La multiplicité culturelle est en quelque sorte la
marque d'identité tangéroise. La société
tangéroise est capable d'absorber plusieurs éléments
culturels, mais les défis qui nous menacent aujourd'hui
sont peut être plus forts que dans le passé.
Intégrisme, violence, terrorisme et une mondialisation
sauvage et institutionnalisée menacent le tiers monde
et aucune ville ne peut être sûre d'éviter
cette menace. Cependant, la pluralité culturelle peut
servir à protéger la société de
l'extrémisme. Dans ce cas, Tanger pourra servir d'exemple
dans le présent et dans le futur.